La solitude des laïques pakistanais
- Raffaele Carcano, Uaar [Trad. Yves Ramaekers]
- 8 févr. 2017
- 2 min de lecture
Ahmad Waqass Goraya, Asim Saeed, Salman Haider, Ahmed Raza Naseer, Samar Abbas. Cinq activistes laïques, très critiques envers l'extrémisme religieux. Cinq hommes engagés pour les droits humains dans un pays, le Pakistan, connu pour les violer systématiquement. Cinq personnes qui n'ont pas eu peur de dire leur opinion à leurs risques et périls. Jusqu’à être enlevés, au début de janvier, sans que personne ne sache comment et par qui.
Mais le pourquoi est facile à comprendre, dans un pays où une mosquée a été dédiée à l'assassin d'un politicien qui se battait contre la loi qui punit le blasphème, même par la condamnation à mort.Imaginons-nous être un des activistes enlevés.
On vit dans un pays dans lequel manifester sa pensée demande beaucoup de courage. Très peu de citoyens pensent comme toi. Peut-être on pense que tout ce qu’on fait sera reconnu à l'étranger, mais on s’est grandement trompé. Les populations des pays « libres » ne savent même pas où est le Pakistan, quant à connaître même lointainement ton existence et ton engagement... Les institutions « civiles et démocratiques » pensent au business et à la géopolitique. Et qui se bat pour des idéaux semblables aux nôtres est silencieux, parce qu'il pense que critiquer l’islam peut l'exposer à l'accusation d'islamophobie et/ou rendre l'existence plus difficile aux musulmans qui vivent sur son territoire.
En faisant ainsi, cependant, c’est la vie des dissidents vivant en terres à majorité islamique qui est mise en danger. Le Freethought Rapport 2016 a rappelé quelles sont les douze les nations qui prévoient la peine de mort pour l'apostasie ; les six qui la prévoient pour le blasphème. Ce sont tous des pays où la religion d'État est l’islam. Beaucoup de leaders musulmans pakistanais – sur YouTube, sur les colonnes des journaux et même des écrans télévisés – ont demandé l'application de la loi et donc la condamnation à mort des cinq activistes enlevés. Le gouvernement n'a eu rien à redire.
Du reste, le parti qui détient pouvoir est la Ligue Musulmane.On a célébré récemment Le Jour de la Mémoire.Il est important de se souvenir de la Shoah. Mais à mon avis, il est aussi, sinon même plus important de s'engager quotidiennement pour que ne se répètent pas de nouvelles violences. Rappeler ces victimes en restant silencieux face à tant de nouvelles victimes (quelqu'un est intéressé à arrêter le carnage en Bangladesh ?) est simplement hypocrite.
Le Pakistan est allié de l'Occident : mais en échange de l'alliance (souvent seulement formelle), l'Occident ferme volontiers les yeux sur ce qu’il s’y passe. Il en va de même pour des nations plus liberticides que le Pakistan, comme l'Arabie saoudite. Le realpolitik il doit prévaloir, a-t-on coutume de dire, mais on ne comprend pas vraiment quels avantages concrets elle fournit.Le 28 janvier, les cinq activistes pakistanais ont été finalement libérés.Ils ont subi des tortures. Ils ont dû signer un document dans lequel ils se sont engagés à ne pas dénoncer leurs kidnappeurs.
Nous ne saurons peut-être jamais qui les a enlevés. Mais, de toute façon, nous sommes tous coupables de ce qu'ils ont subi.
[Article publié en Italian sur le blog de MicroMega le 30 janvier 2017]
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